mardi 19 mai 2015

Réforme du collège : distinguer le vrai du faux

Entre les arguments des opposants à la réforme et ceux du ministère, on finit par ne plus savoir ce qui va changerD’autant que ces évolutions portant sur les matières enseignées se couplent à une refonte des programmes, prévue elle aussi pour la rentrée 2016.
Voici, en l’état actuel du débat, ce qu’il en est objectivement : 
C'est vrai
Les classes bilangues vont être supprimées.  
Les classes bilangues, qui concernent 16 % des élèves, permettent l’apprentissage de deux langues vivantes étrangères dès la 6e au lieu de la 4e. Elles vont quasiment disparaître à la rentrée 2016, maintenues seulement pour les enfants initiés au primaire à une autre langue que l’anglais. Même sort pour les sections européennes qui offrent aux collégiens de 4e et 3e des heures supplémentaires en langue. A la place, le ministère de l’Education rend obligatoire l’enseignement d’une seconde langue pour tous un an plus tôt, c’est-à-dire dès la 5e.
Le latin restera une matière à part entière. 
Dans la première mouture de la réforme, l’option latin (choisie aujourd’hui par 20 % des collégiens en classe de 5e) s’effaçait au profit d’un Enseignement pratique interdisciplinaire (EPI, voir le point n° 6) consacré aux « langues et cultures de l’Antiquité ». Face à la levée de boucliers des enseignants de langues anciennes, le ministère a finalement décidé de maintenir une option light latin, en plus de l’EPI, appelé « enseignement de complément ». Il s’agit d’une heure hebdomadaire en 5e et de deux heures en 4e et 3e, soit tout de même un volume horaire inférieur d’une heure par rapport à ce qui existe aujourd’hui.
L'enseignement de l'islam est et restera obligatoire. 
Les adversaires des futurs programmes comparent le caractère facultatif en classe de 5e du thème « Histoire de la chrétienté au Moyen Age » avec celui, obligatoire, de la naissance de l’islam. Sauf que l’enseignement de ce dernier item est déjà au menu des élèves de 5e depuis des années. L’actuel programme s’ouvre par « la découverte et la naissance de l’islam » et « l’islam médiéval ». Sur ce point, ce sera le statu quo. Le programme de 4e aussi est la cible de critiques : tandis que le thème « Un monde dominé par l’Europe : empires coloniaux, échanges commerciaux et traites négrières » est obligatoire, « Sociétés et cultures au temps des lumières » est facultatif.
Il y aura des cours où plusieurs matières seront mélangées. 
Les professeurs des différentes matières vont travailler ensemble pour faire plancher leurs élèves (à partir de la 5e) lors des EPI, les enseignements pratiques interdisciplinaires croisant plusieurs matières. Six thèmes sur huit imposés (« sciences, technologie et société », « information, communication, citoyenneté », « corps, santé, bien-être et sécurité », « transition écologique et développement durable»…) devront être abordés. Ce sera aux établissements scolaires eux-mêmes de gérer ces ateliers qui, avec l’accompagnement personnalisé généralisé (qui concernera tous les collégiens contre une partie des 6e actuellement) représenteront 20 % de l’emploi du temps des élèves.
C'est faux
Les effectifs des professeurs d'allemand diminueront. 
Les classes bilangues, qui servent d’argument aux collèges pour attirer de bons élèves, ont vu le jour en 2005 pour redynamiser l’allemand en perte de vitesse. Mission accomplie : de 13 000 enfants qui optaient en 2002 pour cette langue à l’entrée du collège, on est passé aujourd’hui à 90 000. La fin programmée des classes bilangues, véritables coups de pouce, fait craindre aux défenseurs de la langue de Goethe une baisse des élèves germanistes. En réalité, grâce à l’obligation de l’étude d’une seconde langue dès la 5e, leurs effectifs devraient s’accroître au collège, passant en 2016 de 487 000 à 515 000. Le nombre de professeurs d’allemand augmentera donc. Il est prévu de doubler le nombre de postes à pourvoir lors du concours de recrutement.
L'enseignement de la chrétienté ne sera plus au programme. 
Les nouveaux programmes d’histoire au collège (amenés encore à être amendés) prévoient pour l’heure l’enseignement de sous-thèmes qui seront obligatoires ou facultatifs. Ainsi, en classe de 5e, l’histoire de la chrétienté au Moyen Age appartient aux modules facultatifs. De nombreux intellectuels, de droite comme de gauche, sont montés au créneau, craignant que les racines chrétiennes de notre pays soient passées sous silence au collège. Ils oublient cependant de préciser que la naissance du christianisme demeure un sujet obligatoire en classe de 6e et que le rôle de l’Eglise est évoqué, en fil conducteur, tout au long du cursus au collège à travers l’histoire de France.
Le nombre d'heures de français et de maths est maintenu. 
Les professeurs des matières classiques (maths, français…) vont être amenés à orchestrer les ateliers des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) rassemblant les élèves en petits groupes à raison de trois heures hebdomadaires maximum. Un certain nombre d’heures dédiées actuellement aux leçons traditionnelles sera forcément affecté aux EPI. Concrètement, les enseignants devraient disposer de moins de temps pour transmettre les notions fondamentales. Des syndicats soulignent que l’interdisciplinarité n’est efficace que si les acquis sont parfaitement maîtrisés, ce qui n’est pas, à leurs yeux, garanti aujourd’hui.